Un stage à Maetha, entre tradition et innovation

Alors que je m’apprêtais à partir pour cinq mois de stage en Thaïlande au Green Net Organic Center, je me demandais ce que serait ma vie là-bas. C’était la première fois que je venais dans ce pays, et même la première fois que j’allais en Asie. Tout ne serait donc que découverte.. Et je ne m’étais pas trompée !
Les paysages de Maetha
J’ai découvert Maetha, village rural au Sud de Chiang Mai, entouré de rizières sur lesquelles semblent veiller des chaînes de montagne boisées aux lignes harmonieuses. C’est là que se situe le Green Net Organic Center où Mathana, avec le soutien de Green Net et de la fondation Earth Net, produit des semences en agriculture biologique, prisées par les jardiniers de tout le pays. Elle multiplie pas loin de 35 variétés de légumes sur une parcelle de terre située derrière sa maison d’habitation. Dès mon arrivée, je suis frappée par l’aspect luxuriant de ce jardin. Les nombreux arbres fruitiers, arbustes fleuris et herbes folles donnent une beauté sauvage au lieu. C’est la fin de la saison des pluies..

 

Le jardin luxuriant de MathanaNous nous mettons au travail. Il faut refaire toutes les buttes sur lesquelles pousseront les plants sous le soleil écrasant. Puis c’est l’arrosage qui demande le plus de temps, car il ne pleut plus : les nuits se rafraîchissent, l’hiver vient. Nous observons quotidiennement la croissance des plants, qui deviennent comme des enfants dont on a la charge. La floraison est un beau moment : en plus de la beauté délicate des fleurs, le ballet d’abeilles et autres insectes butineurs qui les entourent dès la fin de mâtinée rend le spectacle encore plus agréable. Puis c’est au tour des fruits, la récolte approche ! Nous devons attendre qu’ils deviennent suffisamment mûrs pour les prélever, car il ne faut pas se fier aux apparences : les fruits desséchés et décolorés renferment des graines mâtures, prêtes à germer. Mais pour nous le travail n’est pas fini. Il faut extraire les graines, les faire sécher et les trier.. « Toutes les graines doivent passer devant mes yeux » aime à dire Mathana.

Mes découvertes ne se sont pas bornées au monde agricole. Si la végétation est luxuriante, la richesse de la cuisine thaïlandaise l’est tout autant. Les gens du village savent parmi ce que nous appellerions « mauvaises herbes » lesquelles sont comestibles. La mère de Mathana, fin cordon bleu, sait concocter des soupes savoureuses avec ces herbes, agrémentées de denrées issues de la forêt, tout à fait inconnues et exotiques pour nous autres néophytes. Mais le riz reste le centre du repas à toute heure de la journée. Produit sur place par chaque famille pour sa propre consommation, il est gluant et sucré, d’un blanc immaculé.

 

Lorsque je ne travaille pas au jardin, je découvre le mode de vie thaïlandais. La communauté est ici d’une grande importance, plus que dans nos pays occidentaux. Les gens du village s’enquièrent de la santé de leurs voisins, amis et famille même très éloignée, et échangent volontiers une remarque sur le temps avec un passant. De même, les enfants sont élevés par la communauté : les amis, tantes, oncles et enfants plus âgés s’occupent des plus jeunes avec autant de naturel que s’il s’agissait de leur propre sang. Ils présentent une joie de vivre que je n’ai rencontrée nulle part ailleurs, à s’amuser simplement avec quelques cailloux ou en jouant à chat sur un terrain vague.

Je reste frappée par la gentillesse et l’hospitalité des habitants de Maetha. Le « pays du sourire » n’a pas à rougir de son surnom. D’ailleurs, on ne peut jamais s’y perdre. On trouvera toujours quelqu’un pour nous indiquer le chemin, voire nous mener lui-même à notre destination.. à condition de parler un peu la langue thaïlandaise, sinon les mimes feront foi ! Les gens de Maetha, des gens de la terre, vivent simplement, mais c’est la richesse de leurs rapports sociaux et la connaissance de leur environnement qui les rend si incroyables.

Un des leaders du mouvement de conversion vers l'agriculture biologique de Maetha, observant sa rizièreEnfin, les habitants de Maetha se sont engagés depuis une trentaine d’années dans un projet de développement durable de leur communauté, qui porte aujourd’hui ses fruits. Une poignée d’entre eux a décidé dans les années 1980 de passer à l’agriculture biologique et produire une grande variété de fruits et légumes, au lieu de monocultures épuisant les sols et endettant les agriculteurs. Ils ont par la suite été suivis par un nombre toujours croissant d’agriculteurs de Maetha et se sont aujourd’hui regroupés au sein d’une coopérative locale promouvant l’agriculture biologique.

Des haricots de Maetha Organic prêts à l'envoi vers un grand supermarché de Chiang MaiUn groupe de la nouvelle génération dont Mathana, ma maître de stage, fait partie, s’est également impliqué dans ce processus en créant l’entreprise Maetha Organic. Ils vendent leurs légumes selon un système de paniers livrés chaque semaine à des familles à Chiang Mai, mais aussi en supermarchés. Ils promeuvent ainsi leur mode de production en utilisant de nouveaux réseaux, leurs parents vendant via les marchés. Ces jeunes et leurs prédécesseurs attirent des admirateurs et curieux venus de toute la Thaïlande, mais aussi de l’étranger.

Et si ce n’est pas pour leur mode de production respectueux des hommes et de l’environnement que ces gens viennent, c’est pour en savoir plus sur la gestion durable que Maetha fait de sa forêt. En effet, la communauté a obtenu du gouvernement une gestion autonome de cette ressource en 2016. Le but est de pouvoir la préserver de manière durable sans pour autant retirer aux habitants de Maetha le droit d’y prélever les herbes, le gibier, mais aussi l’eau potable et le bois nécessaire pour construire leurs habitations.

Ainsi, cette expérience à Maetha aura été autant humaine que culturelle, culinaire et agricole. Je n’oublierai jamais tous ces visages, et paysages.

Roxane Amato, 13/02/2018

 

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